Conférence école normale 

Lorsque le sujet m’a été proposé j’ai d’abord pensé que cela serait tout à fait dans mes cordes, ça s’est un peu compliqué en sachant que le regard se devait d’être insolite,  je ne pense, pas prétendre vous apprendre grand-chose de nouveau. 

Notre époque ne connaissant plus ou presque de tabous, et les moyens actuels accessibles à tous tels que les sites adultes ne cachent plus rien. Images et vidéos les plus explicites montrent tout jusqu’aux pires perversions.

Ce qui déjà est insolite, c’est qu’un peintre soit invité par des sexologues.

Je vous rassure en vous disant que je ne suis pas un spécialiste du bouquet de fleurs, mais plutôt un spécialiste de ce qui nous intéresse.

J’ai pendant des années travaillé sur le sujet et c’est bien la principale source d’inspiration qui encore maintenant guide mon œuvre.

À la fois acteur en me mettant en scène dans mes rapports amoureux, j’en suis aussi le spectateur en ayant le regard de mon propre marionnettiste, attendri par les turbulences du désir.

Je peins des hommes souvent ridicules abandonnés à leurs pulsions comme s’ils en étaient des victimes inconscientes face à des madones sublimes inaccessibles esquissant un léger sourire de compassion.

Je ne peins pas l’acte, mais plutôt ce qui se passe avant dans l’escalier.

Donc c’est humblement avec les bons souvenirs laissés par les femmes qui ont jalonné ma vie et avec les yeux du peintre que je tenterai l’aventure.

Vous êtes des spécialistes, consultés le plus souvent par vos clients en panne qui espèrent en vous le bon rétablissement de la mécanique du plaisir. Or vous n’êtes pas que des garagistes, vous êtes aussi de fins psychologues sachant bien que la sexualité n’est pas qu’une affaire de sexes, mais qu’il faut y rattacher le vaste monde de l’affectivité.

Vous êtes également des scientifiques, régulièrement informés des progrès rapides des connaissances, mais aussi comme moi et comme tout un chacun humblement des hommes mis en face de l’immense complexité de la vie.

L’énergie sexuelle guidée par l’éros aveuglé par son bandeau est polymorphe, impliquant ou non l’amour, elle est sans foi ni loi afin que nous nous reproduisions. C’est cette énergie universelle, animatrice du vivant contrariée par celle, mortelle, qui nous renvoie à notre fatal destin, qui est a l’origine de l’humanité.

Que ferais-je si j’avais à peindre cette pulsion, cette énergie ?

D’abord je tournerais en rond, c’est le rituel de la mise en route.

Je chercherais n’importe quel prétexte pour m’échapper de ce malaise.

Il faudrait un grand format tant le sujet est important ?????????

Assis devant la toile blanche avec suffisamment de recul j’attendrais que ça vienne

On est pas loin du sujet !!!!

Pour commencer, il faudrait tenter de ranger et de mettre de l’ordre parmi les idées, les images et les intuitions, puis on ne sait comment, du chaos émergera la bonne énergie allégée des scories qui empruntera la bonne porte pour circuler dans le bon canal et mettre en route tout ce qu’il faut pour le bon déroulement de la création.

L’énergie de la sexualité procéderait peut-être de la même façon.

Après être passée par plusieurs filtres, elle pousserait la bonne porte pour circuler dans le canal qui conduit au voyage des sens aiguisés.

Le désir de peindre et le désir sexuel sont assez proches, comme le soulignait Picasso reconnaissant peindre avec sa queue.

À noter qu’il est difficile sinon impossible de remonter de la signature aux premiers traits

Tout est vu d’un coup.

Donc avant de tout voir d’un coup je vous invite à suivre avec moi le chemin qui commence avec l’esquisse.

Tout artiste est confronté à la difficulté de la représentation.

Comment transmettre des perceptions aussi subtiles ?

Ç’a été la tentative des abstraits

Mais je pense que comme la poésie dans un autre genre se trouve être entre les mots pour la peinture qui n’est pas de la littérature, c’est un ensemble codé compréhensible par l’autre, assemblant des symboles imagés entre lesquels reste présente sans être diluée l’inspiration créatrice.

Je choisirai le mythe de la genèse connue par tous en l’interprétant différemment pour la circonstance.

Honneur aux dames… je sélectionnerai parmi les brosses, celles ayant les poils les plus souples, de la martre par exemple afin que chaque coup de pinceau se révèle être une caresse, pour peindre son corps à la peau laiteuse et si douce, avec ses courbes généreuses,   Nue de face déhanchée, mais bien ancrée au sol, ses seins seront mis en valeur par le retrait des épaules.

Avec son ventre délicat surplombant le délicieux endroit bombé, imberbe et rose, je cacherai tout ça pour la bienséance par une feuille qui comme par hasard se trouverait interposée.

J’aurai une attention particulière, aux titillements des bouts-de-sein en les faisant poindre.

Je peindrai son abondante chevelure dorée et bouclée en n’oubliant pas la mèche délicate tombant sur son œil.

Je lui donnerai un petit air bête comme j’aime.

Satisfais également un brin agaçant évoquant une grande tranquillité au regard de l’effet produit

Une bouche charnue, entrouverte laissant apercevoir de belles dents blanches bien rangées,  ses paupières mis closes lui donneront cet air distant, mais attentive quasi religieux des madones ou celui innocent des oies blanches, les pupilles indiqueront la direction du regard porté vers le centre.

Une des paumes de mains sera tournée vers l’avant, comme offerte

Le tout sera gracieux ondulant sinusoïdal comme dans le statuaire des temples Indous.

Ne manquera que l’enivrant parfum des aisselles ou quelques poils visibles l’évoqueront.

Pour finir, je lui donnerai une petite pincée virile pour la rendre aguicheuse et mutine.

Et justifier en exagérant un possible renversement des rôles.

Maintenant, passons à l’homme

Je serai bien moins exigeant avec la sélection des brosses afin de peindre son corps musclé ses épaules carrées, son bassin étroit et son attitude également déhanchée, mais un peu moins souple comme un peu raide. embarrassé, prêt au combat agité comme inquiet a l’idée de devoir faire le premier pas avec tous ses dangers, mais déjà attentif également.

Sans désir apparent le sexe est pendant, demi gaule plus exactement, mais de toute façon caché par une autre feuille à la con. 

La paume des mains sera tournée vers l’arrière suggérant ainsi la présence de la pulsion qui le poussera à l’action.

Conscient du trouble qui risquerait d’être découvert il affichera un visage avenant, rassurant 

Contenu, mais aussi déterminé.

Des cheveux bouclés bien ordonnés, une bouche fermée et une petite pincée de féminin trahie par des yeux qui réclament.

Qui est à droite et qui est à gauche ?

Les peintres se projettent en peignant à droite ce qui en eut, est situé à droite.

Le coté droit étant celui de l’action je placerai donc le masculin ainsi.

Entre eux rien, ou pas encore.

Juste un vide à combler

De nombreuses fois je me suis trouvé au côté d’une femme dans cette situation.

C’est celle qui reste la plus chargée d’émotions

Celle du coup de foudre celle ou l’énergie pure du désir se manifeste.

Celle qui reste inoubliable et qui ensuite se raconte entre amants.

J’avais travaillé sur cet instant 

Celui du premier contact par verre interposé dans la série « apéro cacahuètes »

C’est la première fois, la plus intense engendrée par le pur hasard

L’embarras des premiers mots à dire et le sourire qui s’en suit à la première réponse.

C’est cet espace qui va se charger des émotions et des désirs que je représenterai par l’arbre si bien connu

Pas celui biblique de la connaissance, mais celui de la connaissance tout de même d’ailleurs en jouant sur les mots n’y a-t-il pas connaissance à cet instant ? N’y a-t-il pas naissance également ?

C’est la graine qui est plantée, c’est le début de l’histoire

Elle peut tourner court, et n’avoir aucun dénouement elle s’envolera aux vents.

Elle brûlera comme un feu de paille dans une histoire sans histoire, avec juste l’envie satisfaite.

Elle peut aussi germer cette graine, de fins filaments puiseront la sève nourricière de la terre et une jeune pousse vigoureuse d’un vert printanier se dressera vers le ciel.

Le tronc se développera autour de son centre par cercles concentriques, de puissantes racines l’ancreront solidement et ses branches se diviseront dans l’espace aérien.

C’est sur l’écorce que des cœurs transpercés d’une flèche seront gravés, des traces laissées par les branches qui se seront détachées en ne croissant pas ou en étant arrachées resteront comme les stigmates des relations sexuelles passées, et parfois les blessures laisseront couler des larmes collantes de résine.

C’est dans l’arbre que se concentreront les caresses, les mots doux, les jouissances. 

L’odeur des sexes, la sueur des étreintes, le repos tendre qui s’en suit, et même la cigarette.

Si l’on ajoute une petite note de musique en reprenant la chanson » les histoires d’amour finissent mal, en général… » c’est également dans le tronc que se rangeront par couche faisant, du moins mal au plus mal, l’amertume, les ressentiments, le dégoût, la lassitude, la répulsion, les jalousies et les ruptures de contrat.

L’homme et la femme se tourneront le dos et se feront la guerre, ils viendront vous consulter.

Mais oublions la musique et le général 

C’est aussi l’axe du monde avec ses différents niveaux reliés de la matière au subtil et selon l’apport de l’un et de l’autre par le sexe le cœur l’esprit et l’âme cet aussi le possible voyage du haut vers le bas et inversement.

C’est notre arbre intime, réunissant ce qui en nous est masculin et féminin,   qui entre en résonance dans nos rapports amoureux.

C’est la terrible douleur vécue dans notre propre corps lorsque l’arbre est déraciné  et cette terrible douleur également ressentie si le tronc puissant venait à être coupé et la désolation totale de le voir mort après avoir été foudroyé.

Si nous prenions l’ascenseur, pour voyager à l’intérieur de l’arbre, vers le bas nous plongerions dans l’inconscient en nous densifiant dans la matière et jusqu’aux radicules nous régresserions aux origines de notre existence au cœur même de la cellule, et même avant encore par les radicelles diaphanes aurions-nous le souvenir oublié des amours ou des viols qui nous ont précédés.

Vers le haut, jusque dans ses plus fines branches, après l’apparition des premiers bourgeons nous nous enivrerons des senteurs des premières fleurs pour nous disperser jusque dans la minuscule poussière de pollen dans l’éther.

Je n’ai pas fait un tel voyage, de grands mystiques l’ont sûrement déjà fait, mais bien modestement j’ai pris cet ascenseur en sachant qu’il faut toujours aller plus haut et plus bas et que si les grands mystiques l’entreprennent seuls, il est aussi possible de s’en approcher à deux par la force de l’amour.

S’il y avait un liftier dans l’ascenseur paré des habits blancs du saint, il vous conduit au paradis

Déguisé en bouc il vous mène dans les enfers

Avec la notion de bien et de mal, nous en connaissons les conséquences comme le refoulement et sa transgression érotique.

J’ajouterai aussi le serpent phallique enroulé a la base de l’arbre, chef d’orchestre des jeux amoureux avec son corps recouvert d’écailles au regard vicelard et à la langue bifide, bon conseillé de l’un pour entraîner l’autre et inversement., et l’oiseau blanc tout la haut sur la plus haute branche messager des cieux qui annoncera là-haut, que tout va pour le mieux en bas.

Je n’oublierai pas la pomme, fusion de la matière et de l’esprit dans l’incarnation de la génération qui bloque l’ascenseur à l’étage de la maternité ; mais aussi a travers la pomme surtout d’y trouver la maturation, de la fleur, au fruit, savoureux et sucré mangé par les deux pour une communion de l’un à l’autre  lentement mâchée pour en savourez tous les sucs et les arômes comme de la même façon il est si bon de s’unir en amour.

Pour en revenir au mythe de la genèse, et à la peinture, comme je vous le confiais précédemment l’œuvre signée sera peut-être vue comme une représentation fidèle a la tradition biblique, par contre vous serez les seuls avec moi à en connaître le sens caché et tous les arcanes.

C’est cela la magie de la peinture

Voilà juste une esquisse, peut être que dans vos cabinets vous encouragerez vos clients a faire le voyage dans l’ascenseur en étant vous-même les liftiers pour le bon fonctionnement du matériel.

Maintenant un sincère remerciement au docteur Michelon qui m’a proposé le sujet

Ça m’a permis d’être parmi vous et surtout ça m’a fait travailler, réfléchir, trouver et peindre.